Pour la douzième fois de son histoire, la Belgique a pris la présidence du Conseil de l'UE du 1 juillet au 31 décembre 2010. En tant qu'Etat fondateur de la Communauté européenne en 1957, notre pays s'est forgé une réputation en tant que " moteur de l'intégration européenne". Cette fois encore les attentes furent élevées. La Présidence promettait donc d'être tout sauf routinière. La mise en place du traité de Lisbonne ratifié en octobre 2009 allait sensiblement influer sur l'action extérieure de l'UE et plus particulièrement sur la "politique étrangère et de sécurité commune" (PSDC). Toutefois, l'évolution de la présidence tournante des principaux forums (le Conseil européen, le Conseil des affaires étrangères) vers une présidence permanente allait immanquablement affaiblir la présidence belge et en réduire la visibilité.
Dès la phase préparatoire, il devint vite évident que la Belgique s'alignerait sur cette nouvelle donne et s'y conformerait. En cette phase transitoire, la Belgique opta dès lors pour une présidence d'appui aux structures permanentes et aux nouvelles instances responsables. Dans le domaine de la PSDC, madame Catherine Ashton se vit nommée au poste de Haute représentante (HR) et de présidente permanente du Conseil des Affaires étrangères. Selon les termes du ministre des Affaires étrangères démissionnaire Steven Van Ackere, loin d'être la cinquième roue du carrosse des quatre principales instances dirigeantes du traité de Lisbonne (à savoir le Conseil, le Parlement, la Commission et la Haute représentante), la Belgique mettrait d'emblée tout en oeuvre pour que le carrosse en question tienne la route. Tout un programme en soi. La Haute représentante de l'Union, Catherine Ashton, que l'on peut en quelque sorte qualifier de ministre européen des Affaires étrangères, est par ailleurs commissaire européen et viceprésidente de la Commission. Durant cette phase de mise en oeuvre du traité au cours de laquelle la Belgique exerça sa présidence, madame Ashton fut toutefois contrainte d'attendre la création du Service européen d'action extérieure (SEAE) avant d'y avoir recours.
Forte de cet état de fait, la Belgique opta dès lors résolument pour une "non-présidence" dans l'esprit de Lisbonne, et en appui inconditionnel des initiatives et actions entreprises par la Haute représentante Ashton. Une véritable "Task Force", incluant les diplomates belges et les collaborateurs de la HR fut créée pour optimaliser la coordination et la concertation.
On comprendra donc aisément qu'il ne serait pas question pour la Belgique d'un véritable « programme de présidence belge» en pleine phase préparatoire. Fruit d'une collaboration étroite entre les Affaires étrangères et la Défense, les questions prioritaires de la Belgique en matière de PSDC furent transmises au cabinet Ashton. Soucieux de renforcer la PSDC et de la rendre à la fois plus efficace, cohérente et visible, le cabinet les reçut favorablement. Ces questions furent à la base de nombreuses initiatives belges au cours de ce second semestre de 2010, ramené de facto à 4 ou 5 mois de travail effectif.
Au cours de cette phase de transition, la Belgique avait d'abord souhaité aider (et quelque peu veiller) à la bonne exécution du traité de Lisbonne. Dans ce contexte, la question du processus d'installation du Service européen d'action extérieure (SEAE) devint d'emblée prioritaire. Les travaux, mêlant les sensibilités interinstitutionnelles et internationales, se poursuivirent tout au long de la présidence belge. Le SEAE fut créé de manière formelle sur base des délibérations du Conseil intervenues les 26 juillet et 17 novembre 2010, en vue d'être opérationnel dès le 1 janvier 2011.
Du point de vue de la Défense, il importait de ne pas éparpiller le savoir-faire militaire (surtout à l'état-major de l'Union européenne (EMUE) finalement intégré au Service). Il était également important que les militaires, dans les processus décisionnels pour la gestion de crises, aient un accès direct à la Haute représentante sans trop de niveaux intermédiaires. Malgré la création d'un poste supplémentaire de « Managing Director » pour la coordination de la gestion des crises, suffisamment de garanties semblent avoir été données en ce sens. A la fin de la présidence, deux questions belges restaient sans réponse : dans quelle mesure envisage-t-on l'appui d'une expertise militaire (lire "attachés militaires") aux différentes délégations de l'UE dans le monde ? Quelle sera la place du collège européen de sécurité et de défense par rapport au SEAE ?
Le second point prioritaire soulevé par la Belgique au sujet de l'exécution du traité concernait la mise en place éventuelle des nouveaux instruments proposés. Une certaine retenue dans l'entourage de madame Ashton nous imposa la prudence, surtout par rapport aux clauses de solidarité et d'assistance mutuelle. La Belgique (et plus particulièrement la Défense) décida toutefois d'investir de manière substantielle dans l'exploration du potentiel de mise en oeuvre d'un instrument de Lisbonne dans le domaine capacitaire, à savoir la coopération structurée permanente. Nous y reviendrons en détail.
Outre les objectifs belges décrits ci-dessus et propres à cette phase de transition, la Haute représentante a autorisé la Défense et les Affaires étrangères à mettre quelques autres questions prioritaires relatives à la PSDC à l'agenda. Elles pourront être répertoriées dans les trois thématiques classiques d'opérations et de missions, de partenariats et de développement capacitaire. Nous les expliquerons brièvement ci-dessous. On notera ainsi une avancée spectaculaire dans le domaine capacitaire, notamment grâce à la réunion informelle très fructueuse des ministres de la Défense organisée à Gand sous la présidence du ministre De Crem.
Aucune nouvelle opération ne fut lancée sous la présidence belge. La gestion des opérations en cours est effectuée essentiellement par les structures de gestion de crise de l'UE : Les délibérations du Conseil sont préparées à différents niveaux, allant du politico-stratégique PSC -COPS) au technico-militaire (EMEU). La présidence tournante se contente dès lors de jouer les facilitateurs en cette matière. Quatre opérations à caractère militaire ont particulièrement retenu l'attention de la Défense.
Le mandat d'ATALANTA aurait dû être prolongé avant le 12 Dec 10. Le Conseil des Affaires étrangères (CAE) prévu le 13 décembre n'a pas permis de dégager une solution en vue d'éviter un vide au niveau du mandat. Détail piquant : la décision n'est pas intervenue lors du Conseil affaires étrangères formel (CAE) en format MOD du 09 Dec, mais bien lors du Conseil Ecofin du 07 Dec ! Le mandat d'ATALANTA (l'opération maritime anti-piraterie sur les côtes somaliennes), ainsi qu' EUSEC (une mission Security Sector Reform en République démocratique du Congo) ont été prolongés de deux ans, jusqu'en 2012. Outre la mission non-exécutive, l'opération ALTHEA (la mission de stabilisation militaire dans les Balkans) reste provisoirement organisée dans le cadre des arrangements de "Berlin-plus", avec toutefois une capacité réduite. Une décision éventuelle de prolonger la mission EUTM (une mission de formation en Ouganda, initiée en mai 2010 au profit des troupes de sécurité somaliennes) n'interviendra qu'au printemps 2011.
L'attention se porta principalement sur la recherche d'une meilleure collaboration entre l'OTAN et l'UE. Malgré les bonnes relations entre la Haute représentante Ashton et le Secrétaire général de l'OTAN Rasmussen, les obstacles politiques connus subsistent. La présidence belge misa dès lors sur le développement de projets de coopération pratiques et capacitaires applicables sur les théâtres d'opération communs. Dans ce contexte, les initiatives en rapport avec l'appui médical et Counter IED : Counter Improvised Explosive Devicela lutte contre les dispositifs explosifs improvisés (Counter IED) se virent consignées dans un document commun qui devrait servir de base pour une prospection future.
La Belgique joua par ailleurs un rôle de facilitateur en prenant des initiatives sur plusieurs plans : une visite des représentants militaires de l'UE et de l'OTAN aux quartiers généraux à Northwood (UK), théâtre des opérations maritimes ATALANTA (UE) et OCEAN SHIELD (OTAN), ainsi que la mise sur pied d'une démonstration CIED organisée par l'OTAN. Ces initiatives, inoffensives en apparence, reflétèrent toutefois l'ampleur du clivage politique entre certains pays, qui continue à ce jour de mettre en question la plus élémentaire des coopérations entre les deux organisations. La Haute représentante souligna les ambitions belges visant notamment à renforcer le partenariat UE-UA.
Dans ce contexte, c'est en Afrique que se déroulèrent les "Away days" organisées au profit du Comité militaire. Outre une visite au EUTM en Somalie, le programme prévoyait une visite de travail avec la Commission de l'union africaine à Addis Abeba en Ethiopie. Pour certains participants, ce voyage d'étude fut l'occasion de découvrir "de visu" un terrain inconnu. Une meilleure perception de l'évolution des structures de paix et de sécurité en Afrique ainsi qu'un échange d'idées sur la prévention des conflits et la préparation des forces armées à des opérations de soutien de la paix ont indubitablement jeté les bases d'un partenariat stratégique renforcé entre l'UE et l'Afrique, auquel l'installation du SEAE donnera, espérons-le, un nouveau souffle.
Une PSDC crédible nécessite l'adaptation d'une série de capacités disponibles et entrainées en vue d'un déploiement éventuel en opérations et en missions. Compte-tenu de la "marque européenne", à savoir l'approche globale (comprehensive approach), ces capacités doivent être envisagées sous un angle à la fois civil et militaire. Le niveau d'ambition européen en matière de sécurité et de défense dépasse le déploiement de la capacité d'action militaire en vue du maintien ou de la restauration de la paix et de la sécurité dans des zones à risque au sein de la sphère d'influence européenne. La révision des "Headline Goals 2010" militaires et civils posés pendant la présidence belge a donc en toute logique fait l'objet d'un document politico-stratégique global, appelé à servir de base pour l'exploration des synergies civiles et militaires en matière de développement capacitaire.
La HR souligne la nécessité de renforcer la capacité d'intervention rapide de l'UE pour une PSDC plus cohérente, ce qui nous mène clairement dans le giron de l'EUBG. La majorité des états membres de l'UE se montre peu encline à revoir ce concept en profondeur, même si certains d'entre eux ont été indignés de constater que depuis la mise sur pied des premiers Battlegroups en 2007, cette capacité n'a encore jamais été déployée. Par ailleurs, il reste un certain nombre de places vacantes au niveau du rôle du "Standby Roster" pour 2012 et 2013. Ce phénomène inquiétant risque de porter atteinte à la crédibilité du concept. Même si des solutions créatives s'imposent au plus vite pour remédier à cette situation, il importe avant tout d'amorcer une réflexion sur les vraies causes du problème. Le déploiement éventuel de moyens militaires en cas de catastrophes naturelles telles que nous en avons connues en Haïti en 2010 compte parmi les thèmes abordés lors d'un Brussels Defence Debate, Le 6 décembre 2010, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères français, allemands et polonais transmirent un document intitulé "Weimar-paper" au HR Ashton, soulignant les questions prioritaires et les pistes de réflexion en vue de renforcer la PSDC.organisé par la présidence belge. Le lien avec les EUBG en la matière est vite établi. Le récent Weimar Paper propose notamment d'adjoindre une composante civile à ces Battlegroups militaires provisoires. Il peut dès lors également être compris dans ce contexte. On se demandera toutefois dans quelle mesure l'accroissement des capacités de déploiement des Battlegroups permettra de surmonter l'obstacle principal au déploiement effectif, à savoir l'absence de volonté sur le plan politique.
L'instrument de la coopération structurée permanente abordé par le traité de Lisbonne a fait couler beaucoup d'encre ces dernières années. Il s'est vu affublé de nombreux acronymes avant d'être universellement reconnu comme "PESCO" (Permanent Structured Cooperation). Son contenu ne fait toutefois pas l'unanimité. Les textes remontent aux balbutiements de la "constitution européenne". Nous étions alors en 2003, avec une jeune "PESD" en plein développement. Dans un souci d'intégration, la "coopération structurée permanente" allait permettre aux pays qui le souhaitaient de développer plus rapidement leurs capacités de défense dans un esprit d'étroite coopération. Pour des raisons que nous connaissons, il faudrait attendre 2009 pour voir les textes protocolaires de l'époque ratifiés par le traité de Lisbonne. Le caractère intergouvernemental de la PSDC et la dynamique PSDC stagnante expliquent le peu d'enthousiasme des états face à la mise en place de ce dispositif institutionnel.
Convaincue de la valeur ajoutée potentielle de la PESCO et avec l'accord du HR, la présidence belge a toutefois souhaité maintenir le débat ouvert et faire inscrire le sujet en bonne place à l'ordre du jour. Une réflexion approfondie fut tenue en interne au cours des mois préparatoires à la présidence. Celle-ci déboucha sur un document établissant la position de la Belgique. Le texte en question fut ensuite spontanément adopté par la Hongrie et la Pologne. Forte de cette base, la Défense organisa un séminaire dans les premiers jours de la présidence, afin de poursuivre la réflexion initiée par l'Espagne et d'aboutir à un concept commun de PESCO. Très vite, les réticences se firent jour : une lecture différente des textes de protocoles dépassés, le caractère contraignant des critères à définir, la crainte d'une PSDC à deux vitesses et une certaine aversion inspirée par la perspective d'une structure bureaucratique institutionnelle supplémentaire furent autant de freins à une mise en oeuvre rapide. Les mois qui suivirent ce séminaire allaient toutefois démontrer que la PESCO et son potentiel resteraient toujours implicitement présents dans les discussions capacitaires.
Selon l'usage, chaque présidence tournante organise une réunion informelle des ministres européens de la Défense, l'occasion d'amorcer quelques réflexions politiques autour de la PSDC. La phase transitoire quelque peu confuse vers la constellation post-Lisbonne allait toutefois marquer le scénario et le bon déroulement de cette réunion informelle à Gand prévue par la Belgique depuis 2009. Dans l'esprit de Lisbonne, la Haute représentante, la Baronne Catherine Ashton aurait souhaité présider la réunion informelle. Des impératifs d'agenda la contraignirent toutefois à se rendre à l'Assemblée générale des Nations unies à New York. Ce concours de circonstances déboucha sur une solution créative : il fut opté pour une réunion très informelle en comité restreint, présidée par le ministre belge de la Défense Pieter De Crem.
Le SecGen de l'OTAN de Hoop Scheffer et le MOD UK Brown organisèrent en septembre 2008 une réunion informelle à Londres pour les MOD de l'OTAN. A l'exemple du sommet OTAN à Bucarest en avril 2008, le but était d'initier une réflexion sur la transformation. Cette réunion reste à ce jour connue comme la "Armchair meeting" de Londres. Inspiré par une situation similaire dans le cadre de l'OTAN qui avait donné d'excellents résultats, un dîner de travail fut organisé pour les seuls MOD avec un seul thème de discussion à l'agenda : Comment concilier la demande croissante d'actions au niveau de l'UE avec les lacunes capacitaires et les budgets défense nationaux sans cesse rabotés ?
La formule fit mouche. Les discussions furent particulièrement riches sur le plan politique. La Haute représentante s'adressa d'emblée par vidéoconférence à l'assemblée depuis New York en évoquant des sujets jugés importants tels que: l'unification et le partage des capacités de la Défense (pooling et sharing), la recherche militaire et civile jointe et la recherche d'une plus grande complémentarité avec l'OTAN. Le débat qui s'en suivit entre les 27 MOD de l'UE s'avéra substantiel et concret : pour compenser la diminution des budgets nationaux, les participants augmenteraient et amélioreraient les différentes formes de coopération. Le ministre allemand Zu Guttenberg proposa de scinder les capacités militaires en trois catégories : celles que l'on souhaiterait maintenir au niveau national, celles qui entraient en ligne de compte pour le pooling et enfin celles qui donnent lieu à un partage des rôles et des tâches (role and task sharing).
Les capacités reprises dans cette dernière catégorie supposent implicitement l'acceptation d'une certaine interdépendance. L'Agence européenne de défense (AED) bénéficia d'un appui politique marqué. Il ne fait aucun doute que l'Agence sera appelée à jouer un rôle majeur dans la recherche de nouvelles opportunités de coopérations sur le plan multinational et en matière de coordination de ces initiatives. Enfin, un appel à la recherche de nouvelles opportunités de projets de coopération capacitaires entre les deux organisations fut lancé lors d'une séance pléniaire en présence d'une délégation OTAN dans l'esprit du message adressé par le HR. L'actualité budgétaire, le cadre non conventionnel, une préparation minutieuse du contenu par toutes les parties concernées ainsi qu'un président motivé furent autant de facteurs menant à la réussite de la réunion informelle que l'on retiendra désormais comme « The Ghent Framework".
Parallèlement à la mise en place du traité de Lisbonne, la prise de conscience de la nécessité d'ouvrir un forum formel sur la sécurité et la défense se fit jour, permettant aux MOD de prendre directement les décisions qui s'imposent dans les matières relevant de leur compétence exclusive. Cela nous conduit inévitablement dans le domaine du développement des capacités de défense.Le premier Conseil formel des Affaires étrangères en format MOD fut organisé le 09 décembre. Cette réunion, présidée par la HR Ashton, vit non seulement l'adoption des conclusions formelles du Conseil mais également la consolidation générale de la référence au "Ghent framework". La réunion informelle MOD et le "Ghent Framework" ont engendré un élan politique considérable. Le défi pour les mois et les années à venir sera incontestablement de transposer au mieux ces intentions politiques en diverses formes de coopérations En novembre 2010, l'Allemagne et la Suède rédigèrent un Food for thought-paper commun reprenant des propositions concrètes quant à la méthodologie à utiliser pour exploiter l'initiative de Gand sur base des idées du MOD Zu Guttenberg.
Lors de son Steering Board du 09 décembre 2010, l'AED s'est vu priée (et les états-membres encouragés) d'envisager et de présenter de nouvelles opportunités de Pooling & Sharing.
Le 4 février 2011, le président du Comité militaire de l'UE adressa une lettre aux CHOD des pays membres de l'UE portant sur la recherche d'idées, d'opportunités et de propositions en matière de coopération.concrètes entre les différents états membres sur le plan de la Défense. Quelques initiatives ont déjà été prises en ce sens.
Les objectifs poursuivis doivent viser la recherche d'avantages financiers, de plus-values opérationnelles (avec notamment une interopérabilité accrue par une plus grande standardisation) et la volonté d'éviter les redondances. Bon nombre de projets de coopération existent déjà. Sous la pression budgétaire et grâce aux récentes impulsions données, d'autres projets devraient suivre. Ces rassemblements (clusters) "ad hoc" sont dictés par des considérations financières et se composent d'un nombre restreint d'états membres participants. Ces initiatives ne doivent pas uniquement servir les intérêts nationaux des pays participants. Elles doivent également soutenir l'élaboration des objectifs européens de la PSDC. En d'autres termes, cela ne peut donner lieu à un effet centrifuge. Il est dès lors important que celui ou ceux qui orchestrent cet exercice particulièrement complexe soit/soient connu(s) et reconnu(s). Tous les yeux se tournent pour cela vers l'AED qui se trouve à un moment crucial de son existence. En l'absence de résultats tangibles et de produits livrables (deliverables) les AED-sceptiques ne manqueront pas de mettre en question la crédibilité de l'agence. Par ailleurs, le comité militaire porte également une lourde part de responsabilité en cette matière. Composé de représentants militaires des CHOD, ce forum est le mieux à même d'évaluer la volonté « militaire » de collaborer depuis les états-majors nationaux. Conscients de l'impact éventuel sur le plan structurel et opérationnel, ceux-ci n'entreprendront rien dans la précipitation. L'instrument de la PESCO abordé plus haut demandera encore bien des réflexions avant d'être mûr. Nous constatons toutefois que dans les discussions actuelles concernant la coopération, le pooling et sharing la PESCO refait spontanément surface. Moyennant une interprétation créative des textes du protocole, la PESCO pourra se révéler être un instrument précieux pour harmoniser et accompagner bon nombre d'initiatives de coopération multinationale en faveur d'un renforcement des capacités européennes.
Entre la ratification du traité modificatif de Lisbonne et sa mise en oeuvre sur le plan opérationnel, la Belgique a assuré sa douzième présidence dans un contexte difficile à un moment que l'on peut qualifier d'historique. Consciente que le pays en charge de la présidence tournante ne serait plus seul maître à bord, la Belgique opta dès lors en cette phase transitoire pour un rôle de copilote. En l'absence de responsabilités clairement définies et malgré une coordination parfois difficile et longue à venir avec les instances européennes, la Belgique allait faire le bon choix. Forte de ses années d'expérience en matière européenne, du savoir-faire de son corps diplomatique et de ses administrations, ainsi que de sa capacité d'organisation, la Belgique est parvenue à fournir un appui plus qu'appréciable à la Haute représentante et son entourage dans une période délicate. Sans réaliser de percées révolutionnaires au niveau de la PSDC, nous avons tout de même assuré la continuité des principaux dossiers, et ce à l'entière satisfaction des états membres. Le "Ghent Framework" a donné un élan politique important pour une configuration de la défense européenne qui, au regard d'un contexte géopolitique en pleine évolution et de la réalité budgétaire, s'appuiera inévitablement sur des modèles de coopération multinationaux.
Au moment d'écrire ces lignes, l'action effective du SEAE est palpable et tout porte à croire que le développement de la PSDC au sein de ce Service recevra l'attention souhaitée par les états membres. Dans le futur, le rôle des présidences tournantes se limitera davantage au profit des nouvelles structures. Je reste toutefois convaincu de leur plus value en tant qu'interlocuteur privilégié capable d'induire un développement effectif de la PSDC intergouvernementale sans que celui-ci ne soit trop freiné par la bureaucratie institutionnelle.
La Construction de l'Europe relève d'un processus de longue haleine. Si pour beaucoup la Défense renferme un potentiel d'intégration important, il est clair que la dualité importante entre le désir d'une coopération accrue et le maintien des souverainetés risque fort de compliquer ce processus. La gestion de cette dualité en vue d'obtenir une PSDC intergouvernementale renforcée constitue désormais principalement un défi pour la Haute représentante Cathy Ashton et son SEAE.